épisodes

Caroline, Pascal, Christine et Emeline ont entre 20 et 60 ans et appartiennent à la classe moyenne, c'est-à-dire entre les plus pauvres et les plus riches. Tous travaillent, que ce soit en Normandie, à Metz ou encore à Marseille. Ils ressentent néanmoins un profond sentiment de déclassement. Autrefois, le travail protégeait et garantissait une ascension sociale. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ils ont vu leurs ressources diminuer, leur emploi se précariser ou encore perdu leur logement créant une rupture dans leur vie qui minent leurs envies d'horizon. Les privations du quotidien illustrent un glissement de leur position sociale. Ces quatre témoins nous racontent.

déclassés

épisode 1

Dans ce premier épisode, les témoins racontent leur histoire personnelle et décrivent leur quotidien à voix nue. Ils détaillent aussi les facteurs qui ont conduit à leur sentiment de déclassement.

déclassés

épisode 2

Dans ce second épisode, les témoins exposent les conséquences du déclassement sur leur vie quotidienne et tentent d'apporter des solutions à leurs maux. Plusieurs spécialistes corroborent ces témoignages en y apportant leur éclairage.

PERSONNAGES

CAROLINE et PASCAL

Caroline et Pascal vivent en campagne normande dans le Calvados. Lui, était auparavant manutentionnaire avant d'être licencié en 2013. Il s'est reconverti quelques années plus tard et est devenu paysagiste - jardinier. Elle, est femme de ménage et dame de compagnie auprès des personnes âgées. Ce couple a subi la désindustrialisation et l'inflation.

CHRISTINE

Christine élève seule sa fille de 10 ans Raquel-Rose à Plan-de-Cuques, au nord-est de Marseille. Mère célibataire avec un emploi à durée déterminée, elle voit depuis peu son salaire s'envoler avant même de pouvoir le dépenser. Elle se questionne beaucoup sur le sens que prend la société actuelle et s'inquiète aussi de l'avenir qu'elle laissera à sa fille.

émeline

Emeline a 23 ans et vit à Metz en Moselle. Diplômée d'un master en expertise culturelle, elle raconte les difficultés qu'elle rencontre au quotidien pour s'insérer professionnellement dans ce secteur. Malgré des jobs étudiant et un service civique, elle n'arrive pas à obtenir un emploi stable. Pessimiste, elle se rend compte de sa situation.

François-Xavier Ménage

Reporter à TF1 et ancien présentateur du magazine Capital sur M6, François-Xavier Ménage est au plus près du quotidien des Français. Il constate qu'ils sont de plus en plus confrontés à des difficultés économiques et sociales. Pendant cinq ans, il a arpenté l'hexagone pour raconter les réalités dans son livre Ca craque !

FABIEN VERDIER

Fabien Verdier est maire de Châteaudun (Eure-et-Loir) depuis quatre ans, une commune située à moins de deux heures de Paris. Agrégé d'économie et directeur d'hôpital de profession, il souhaite défendre les classes moyennes et les villes moyennes, il vient de fonder un club des villes sous-préfectures.

Jean-Laurent cassely

Ancien journaliste, Jean-Laurent Cassely s'est lancé dans le conseil en fondant Maison Cassely. Pendant de nombreuses années, il a écrit sur les modes de vie, la société de consommation et le déclassement. Il est aussi l'auteur de La Révolte des premiers de la classe et le co-auteur de La France sous nos yeux.

PROJET

Ce projet a été réalisé par Imrane Baroudi et Steeven Pellan. Nous sommes tous les deux journalistes en formation à l’Université de Lorraine, à Metz (57). En septembre 2023, nous prenons connaissance dans la presse nationale d'un article sur les nouveaux signes du déclassement qui nous interpelle : dépenses quotidiennes qui gonflent, recours plus fréquents aux aides alimentaires, budgets serrés. Tout cela concerne les classes moyennes, elles représentent actuellement 62 % de la population française. On en parle aussi autour de nous, les discussions sont de plus en plus nombreuses. Alors pour comprendre ce phénomène de déclassement, nous avons décidé, dans le cadre de notre projet de fin d'études, de réaliser un tour de France de témoignages avec des individus de classe moyenne sous forme de podcast, laissant plus de place à l’intime et à l’identification du public. C’est eux qui en parlent le mieux. Pour nuancer les propos et apporter un regard extérieur, nous avons également fait appel à des journalistes, essayistes, élus locaux et directeurs de supermarché. Ils nous aident à y voir plus clair dans ce discours et établissent un panorama des difficultés concernant le modèle social français.

éléments de compréhension

Après une longue période d’essor et d’enrichissement pendant vingt-cinq ans, les classes moyennes seraient confrontées à une panne de l’ascenseur social. C’est la fin d’un rêve. Une société de consommation est souhaitée comme au temps des Trente Glorieuses. Ces classes moyennes se sentent de moins en moins épanouies. « On est les invisibles », déplorent certains d’entre eux. C’est vers un sentiment de déclassement de plus en plus présent que glisse ce groupe social avec un marqueur fort durant les quinze dernières années : la crise de 2008, les Gilets jaunes et la Covid.

Un malaise européen où le cas français est de plus en plus préoccupant selon le sociologue Louis Chauvel : accroissement des inégalités, souffrance des classes moyennes ayant des effets sur d’autres classes et fracture générationnelle, à savoir baisse du niveau de vie, mobilité descendante, rendement décroissant des diplômes et déclassement résidentiel.

Mais le déclassement, c’est quoi ?

Une dégradation des conditions de vie constatée d’une génération à l’autre, au sein même d’une génération ou individuellement. Rupture dans la carrière professionnelle, divorce, décès… Peuvent déstabiliser les perspectives d’avenir. D'après Louis Chauvel, « l’idée de progrès est de transmettre à la génération suivante un monde meilleur or aujourd’hui, tout a été fait pour leur laisser des contraintes toujours plus aigües et moindres moyens pour satisfaire leurs besoins ».
Les classes moyennes seraient donc les plus impactées par ce glissement de position. Comment pourrait-on définir ce groupe ? Cette classe se positionne entre les élites dominantes et les classes populaires ayant un revenu de consommation décent. Elle est donc plurielle. D’un côté, les cadres et professions intermédiaires composent une partie de ce groupe et de l’autre, il y a des ouvriers qualifiés tels que des conducteurs de la RATP ou de la SNCF, des plombiers salariés, des travailleurs de chez EDF, des secrétaires, des enseignants, des commerçants, des vétérinaires, des caissières, des infirmières, des fonctionnaires de police, des artisans et autres professions indépendantes. 62 % des Français disent appartenir à la classe selon une enquête réalisée par l’IFOP en 2023. Et à l'intérieur de ce groupe social, quelle est la répartition entre les individus ? D'après une enquête réalisée par ce même institut de sondages, trois sous-groupes émergent : les classes moyennes inférieures, les classes moyennes véritables et les classes moyennes supérieures.

Quels sont les symptômes du déclassement ?

Louis Chauvel relève une croissance insuffisante du pouvoir d’achat, principalement lié au logement et à la santé. Le sociologue repère aussi un décrochage au niveau de la distribution, les salaires restent trop peu élevés. Depuis deux ans, les salaires indexés sur le SMIC (salaire minimum) sont de plus en plus nombreux. S’ajoutent à cela, des difficultés d’emploi croissantes à savoir le chômage ou des emplois précaires. Les diplômes deviennent aussi de moins en moins rentables conduisant vers une potentielle mobilité sociale descendante. Les Français concernés par ce déclassement ont également des difficultés à boucler leurs fins de mois, à épargner et à disposer de biens propres. Des interrogations subsistent chez ces individus concernant une éventuelle mobilité ascendante.
En 1977, 7 % des hommes ressentaient une mobilité descendante par rapport à leur père. Cela représente près de 15 %, en 2015, un peu plus du double. Chez les femmes, en 1977, 6 % ressentent une mobilité descendante par rapport à leur mère. En 2015, ce chiffre est de 12 %. Il a lui aussi doublé ! Les mouvements descendants sont plus fréquents qu’à l’époque. Il y a 35 ans, les salariés étaient minoritaires. Aujourd’hui, ils composent une majorité des catégories socioprofessionnelles. La réduction des inégalités sociales s’est principalement produite entre 1970 et 1990 avant de stagner jusqu’à maintenant.
La situation personnelle est un fait pour de nombreux individus. Beaucoup d'entre eux jugent qu'aucune aide ne pourra améliorer leur niveau de vie, ils se débrouillent eux-mêmes. Le déclassement est un phénomène ressenti par une femme active sur 4 âgée entre 35 et 49 ans lorsqu'on les compare à leur père. Le constat est le même pour un homme sur 7. Pire encore, si on évoque un déclassement anticipé concernant leurs enfants, ils sont inquiets. Plus de la moitié estime que les générations futures vivront moins bien qu'eux à leur âge. Pour autant, les classes moyennes inférieures pensent que leurs parents avaient un meilleur niveau de vie qu'eux à cette même période. Un sentiment qui n'est pas partagé par les classes moyennes véritables et les classes moyennes supérieures ayant vécu une ascension sociale intergénérationnelle qui ne pourra toutefois se reproduire avec les générations suivantes. Entre 54 % et 58 % des classes moyennes considèrent que la possibilité d'élévation sociale de leur enfant ne pourra avoir lieu. Les chiffres sont alarmants.

Pourrait-on quand-même voir une lueur d'espoir ? Beaucoup de personnes rencontrant des difficultés aujourd'hui accordent une importance au mot « juste », elles veulent des salaires justes et un niveau de vie tout aussi juste. Les citoyens ont des attentes et veulent des résultats de la part des personnalités politiques. Pour eux, cet once d'espoir passera en priorité par le tissu local.
À propos
Déclassés est un podcast de deux épisodes réalisé par Imrane Baroudi et Steeven Pellan entre janvier et mars 2024 dans le cadre de notre projet de fin d'études de Master Journalisme et médias numériques (MJMN) à l'Université de Lorraine.

Imrane Baroudi

Je suis journaliste et animateur radio. Né en Normandie, ma première expérience en FM a été à Radio Phénix en tant que présentateur d’émissions pour les étudiants. Depuis septembre 2022, je suis inscrit dans le master Journalisme et médias numériques de l’Université de Lorraine à Metz. Après plusieurs expériences à RCF Jerico Moselle et France Bleu Lorraine, j’ai décidé avec Steeven Pellan de travailler sur le sentiment de déclassement. Je suis moi-même issu de la classe moyenne. Pour permettre au plus grand nombre de comprendre ce sentiment, il me paraissait essentiel de donner la parole à ceux qui se sentent le plus concernés.

Steeven Pellan

Je suis journaliste en presse écrite. Formé au Master Journalisme et médias numériques de Metz, je suis originaire de Bretagne. Après une première expérience réussie, je collabore ponctuellement avec Le Télégramme depuis deux ans où je parcours la région dans plusieurs rédactions. Durant mes reportages sur le terrain et au fil de discussions, j’ai pris conscience des difficultés rencontrées par les citoyens faisant écho à un sentiment d’inégalité de plus en plus présent concernant leur parcours de vie. Leur parole est essentielle, nous devons les écouter, c’est notre métier. Le podcast Déclassés illustre par ailleurs mes premiers pas dans l’audio.

Remerciements

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont participé et soutenu ce projet de près ou de loin. Tout particulièrement Christine, Émeline, Caroline et Pascal qui ont accepté que l'on suive leur quotidien. Merci à nos intervenants et spécialistes qui ont contribué à la réussite de ce projet, par ordre alphabétique : Jean-Laurent Cassely, Thierry Desouches, Yann Kubiak (statisticien à l'Insee), François-Xavier Ménage et Fabien Verdier. Avec la participation de Christophe Robin pour l'aide à la conception graphique, Tatjana Iljasova pour la création musicale, Julie Hilt et sa voix ainsi que le soutien des MJMN Promo 10e, spécialement Adélie Trimbour, Antonin Utz, Elie Polselli, Hugo Azmani, Kévin Ferry, Manon Legrand et Marie Vin. Sans compter l'implication de nos professeurs : Alexander Abdelilah, Jeanne Boëzec, Jean-François Diana, Séverine Garcia, Clément Le Foll, Clément Pouré et Nina Robert.